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26 juillet 2011 2 26 /07 /juillet /2011 11:27

Carte du Nord

 

Avant même d’arriver à Paris, nous avions prévu de nous échapper régulièrement de la capitale tentaculaire. Pour appuyer notre motivation, on a même acheté un guide vert des week-ends au grand air aux alentours de Paris. C’est donc pendant mes heures de boulot que Marine a concocté un cocktail explosif de destinations maritimes du grand Nord français. Une façon de se faire une première impression d’un large éventail de localités, puis qui sait, de revenir par la suite aux endroits qui nous auront le plus marqués.   

 

Jour 1, 1ère étape : Etretat, petite ville ô combien touristique de Normandie, exhibe fièrement ses maisonnées en bois au style alsacien / savoyard / germanique / qu’en sais-je… Le minuscule centre-ville est enchanteur, mais ce qui fait réellement le charme d’Etretat, ce sont ses incroyables falaises. Si on fait abstraction de l’aspect étouffant de la masse touristique, s’y fondre et cheminer tous ensemble sur les chemins qui arpentent les falaises relèvent d’un véritable pèlerinage. Oui, c’est bel et bien dans la peau de pèlerins que nous foulons les sentiers sacrés et admirons avec dévotion la géologie particulière que la nature divine a érodée, trouée et modelée à sa guise.

 

Jugez par vous-même avec quelques photos batardes  prises avec un portable (ça sera malheureusement le lot pour l’intégralité de l’article).

 

Coming soon… quand on achètera une clé bluetooth !

 

Jour 1, 2ème étape : Fécamp avec son port longitudinal en plein centre-ville commence à nous immerger doucement dans l’ambiance portuaire et maritime, au vrai sens du terme (comme vous le verrez plus tard). A part ça, pas grand intérêt.     

 

Jour 1, 3ème étape : à Dieppe, le bord de mer à la nordique se dévoile : à défaut de se baigner dans une eau à 15°C, on se balade sur la plage accoutré en capitaine, on joue dans les immenses « prairies » vertes aménagées sur les galets, on y fait du poney, du manège, on lit sur un transat un bouquin emprunté à l’un des nombreux kiosques « Lire à la plage » du département, on mange une glace par tous temps ou enfin, on déguste une crevette dans sa propre paillote face à la mer. Moultes activités autrement plus attrayantes qu’un bronzage larvaire… à condition de tolérer le vent froid ! Le centre ville de Dieppe n’est pas en reste, de belles piétonnes qui cheminent sous des bâtisses chargées d’histoire jusqu’à la somptueuse cathédrale gothique. Je ne suis pas le plus grand fan des monuments chrétiens, mais là, de voir autant de gargouilles me dévisager sous des plafonds lourdement décorés, je suis transporté. Le sentiment est renforcé par un air extrêmement lugubre joué sur un orgue massif. Les notes raisonnent sur chaque pierre de la cathédrale, écrasantes et austères, rappelant les périodes les plus sombres de la chrétienneté féodale. Les hérétiques que nous sommes sont avertis : il n’y aura pas de pénitence.

 

Jour 1, 4ème étape : Le Tréport achève de nous plonger dans l’univers portuaire. L’odeur de la poiscaille, la rouille des bateaux de pêches échoués sur le sol en marée basse, la cacophonie des mouettes qui chient à tout va, le lobby de la moule/frite omniprésent… tout y est et nous sommes comblés. C’est à coup de grandes inspirations que j’imprègne mes poumons de ce mélange de senteurs avant de le regretter aussitôt.

 

Le Tréport, comme son nom l’indique, s’articule autour de son port et ses activités se dénombrent à deux : la pêche et la restauration marine. Pour profiter pleinement de l’ambiance, nous nous attablons à la terrasse de « La Marine » sans mauvais jeu de mot. Tandis que Marine décortique ses langoustines sous mon œil dégouté, je me contente d’une raie à la sauce aux câpres histoire de ne pas scandaliser les cuistots (j’ai été en effet tenté de commander un steak frites).                

 

J’en profite pour divulguer nos premières impressions sur les gens du Nord, pas encore des chtis mais presque (car à ce point là nous avons quitté la Normandie pour nous enfoncer en Picardie). Naturellement bons vivants à l’accent complètement improbable, châtains virant au blond pour la plupart, bien en chair pour beaucoup, ils font également preuve d’une forte sympathie, de rustrerie et d’un grain de folie. En déambulant dans la rue par une nuit fraiche, nous pouvons observer les passants se héler les uns les autres, s’invitant à partager une moule et une mousse en rigolant grassement de choses badines.

 

Cela se précise à l’hôtel, qui en fait n’est qu’un bar PMU surplombé de quelques chambres rustiques. Alors que la nuit passe étonnement calmement, les premiers clients débarquent au petit matin. Réveillés par leur liesse matinale, nous descendons nous délecter d’un bon petit déjeuner et, par la même occasion, voir de plus près les hurluberlus. C’est une sacrée expérience ! Nous sirotons tranquillement nos chocolats chauds, entourés de retraités déjà très motivés de parier sur le bon canasson, d’échanger des conseils avec un accent imbitable et de s’abreuver du rosé du matin. C’est sans compter l’intervention d’un énorme chien noir des Pyrénées, qui n’avait d’yeux que pour nos tartines. Qui l’eut cru ? L’ambiance est des plus joviales au PMU du Tréport !

 

Jour 2, 1ère étape : La baie de somme, pointe du Hourdel. Le beau temps n’aura duré qu’une journée. Le retour à la normale est violent : les nuages gris s’accumulent et le vent fouette. Nos imper Quesha coupe-vent tous neufs ne sont pas de trop (non, Quesha ne sponsorise pas mon blog, même si tout le porte à croire !) Les éléments ont naturellement reconquis les cieux du nord : tout est en place pour admirer comme il se doit la baie de somme. La marée semble s’être retirée jusqu’à l’horizon, tant les sables découverts s’étendent à perte de vue. Aux alentours de midi, nous assistons au retour foudroyant de la marée. Elle revient de loin, ça se sent car elle engloutit tout sur son passage à une vitesse vertigineuse. Un hélico de secours passe au dessus de nos têtes, pas étonnant avec tous les promeneurs qui s’aventurent naïvement au loin.

 

 

 

Jour 2, 2ème étape : Nous faisons ensuite une halte au Crotoy qui offre une vue sur l’autre côté de la baie de somme. Nous n’en profitons même pas tant le vent nous emporte. On s'affaire plutôt dans les boutiques pour acheter des spécialités locales, à savoir soupe de poissons, algues gluantes que la vendeuse ose comparer à des haricots, terrine de fumé de canard et jus de pommes.

 

Jour 2, 3ème étape : Comment quitter la Picardie sans passer par le parc ornithologique de Marquenterre ? Equipés des même imper et d’une paire de jumelles, nous partons en chasse aux oiseaux migrateurs. La chasse se résume à se tapir dans différents bunkers confectionnés pour l’occasion, dégainer les jumelles et observer consciencieusement les colonies d’oiseaux venus faire une escale de repos pendant leur long voyage. De mémoire, nous avons traqué des cigognes perchées sur leur nid, des hérons, des colibris, des cygnes, des spatules, des barges, des vaneaux hupés, des avocettes, des échasses, des locustelles tachetées, des loriots, des mouettes rieuses et même de superbes chevaux sauvages Jansen, une race régionale ! Le tout dans un cadre naturel magnifique entre étang, mer et dunes boisées.

 

La pluie tombe finalement en trombes, nous oblige à détaler des sentiers et trouver asile sous les abris. C’est l’occasion de s’apercevoir que les oiseaux, eux, n’ont rien à foutre du déluge et continuent joyeusement leur train-train. Car, nous l’apprenons aussi béatement que vous chers lecteurs, leurs plumes sont parfaitement imperméables. Une jeune ranger du parc sortie d’un buisson sans crier gare nous en fait la démonstration à l’aide d’une plume et d’une bouteille d’eau.

 

 

 

Jour 2, 4ème étape : Après un thé bien chaud à la cafét du parc, nous reprenons la voiture pour se diriger vers la dernière destination de notre voyage : Boulogne sur Mer, en Nord Pas de Calais, si si c’est bien la 3ème région que nous découvrons en si peu de temps !

 

Arrivés à l’auberge de jeunesse nous découvrons avec horreur une ribambelle de petits anglais qui se sont accaparés chaque mètre carré du bâtiment. Les cris stridents et le chaos sont bon aloi. Qu’importe, nous prenons quand même l’apéro avec un chti local, où plutôt venu de Douai (encore plus au nord - c’est carrément la Flandre là haut). L’homme est sympathique… mais envahissant et peu doué (ha ha).  En effet, tenant fortement son verre de vin d’une main et gesticulant avec une trop grande ferveur de l’autre il s’en asperge le t-shirt… sans même s’en apercevoir. Après qu’on lui fasse remarquer sa maladresse il parvient encore à nous parler de sa ville natale et de ses parents entre deux essuyages de t-shirt.

 

Nous arrivons finalement à sortir de son emprise puis de l’auberge. La nuit tombe, la pluie s’est arrêté, les estomacs gargouillent. Sous ma direction, le Tex Mex est imposé. Marre de la moule, de la crevette et autre mollusque évidée. De la bonne viande bien rouge et des cocktails piscine – la spécialité du chef – à l’aspect aussi bleu que mon état d’ébriété en fin de soirée.

 

Jour 3 : Nous ne sommes pas prêt de quitter Boulogne sur Mer… pas tant que la Fête de la Mer bat son plein ! Véritable tradition nordique, celle de Boulogne est un évènement de grande ampleur qui rassemble des milliers de gens venus de part et d’autre (même du Sud) ! L’ambiance, définitivement placé sous le joug du sel, est extra : groupes folkloriques de marins aux airs salaces, visiblement en manque d’aventure et de donzelles des ports à déflorer, harengs fumés aux charbons, spécialités et jeux régionaux, hymnes de nos voisins anglais, exposition de modèles réduits, accoutrements de moussaillon de rigueur, magnifiques voiliers d’époque amarrés à visiter… Le dépaysement est total, la bonne humeur aussi !

 

En parlant de voilier, il est même possible de partir en mer sur l’un deux – le Morgenster – pour une escapade de deux heures. Nous ne ratons pas l’occasion et ce malgré le vent qui s’est levé et la pluie qui annonce un retour fracassant… Je me dis : comme ça, on vivra les conditions apocalyptiques des flibustiers d’antan, seuls perdus au milieu de l’océan contre les éléments déchainés ! Ah, si j’avais su…

 

Ce voilier, c’est la grande classe. Il est grand et spacieux, tout en bois massif, lustré comme un meuble de grand-mère. Trois mâts se dressent majestueusement sur lesquels pendent une multitude de cordages aux nœuds incompréhensibles et des voiles repliées. Aux commandes de la somptueuse roue de gouvernail, le capitaine hollandais donne les ordres en hollandais à son équipage qui s’affère dans tous les sens. Nous sommes une trentaine de touristes à bord et pour certains – comme nous – n’avons jamais mis le pied sur un voilier. Je ne me fais pas prier et porte renfort aux mousses pour tirer les voiles. C’est comme si j’avais fait ça toute ma vie !

 

La prise au vent est immédiate, le Morgenster met cap vers la sortie du port. Le capitaine fait un discours humoristique dans un français primaire sur la nécessité de sauver sa vie en cas de danger. Le discours fait mouche, car les rafales de pluie nous giflent littéralement le visage et les immenses vagues au loin qui s’écrasent contre la digue portuaire ne présagent rien de bon… Excité par le danger, je me place tout à l’avant du bateau pour assister à sa sortie du port. La transition vers le large est violente. Une première vague massive soulève la proue au point de ne voir plus que le ciel chargé de nuages noirs… avant de retomber violemment dans l’eau. Je m’accroche instinctivement à la barrière au moment de ce premier tangage, tout en laissant échapper une exclamation de surprise. Derrière moi, les cris fusent. Les petits enfants téméraires qui s’étaient placés aux premières loges sont plaqués à terre par les grands balancements du bateau. Choqués, ils sont incapables de bouger ni de parler. Des marins arrivent à la rescousse et nous somment de quitter la proue. Les parents récupèrent leurs enfants terrorisés. La suite relève de la survie.

 

Derrière une vague se cache toujours une vague plus énorme. La direction que prend alors le navire est complètement aléatoire, tant les forces qui s’abattent de toutes parts sont puissantes. Face à elles, le gouvernail peine à imposer un semblant de trajectoire. Les voiles déployées ont une telle prise à la tempête qu’on se demande si elles craquent à chaque instant. Elles font pencher dangereusement le bateau à bâbord à tel point que les barrières du pont effleurent la surface de l’eau.  Je remonte difficilement à tribord tant le pont est incliné et humide. Les mioches qui s’étaient mal accrochés dévalent la pente vers la mer avant d’être attrapés in extremis par les marins. Je compte les bouées de sauvetage en nombre extrêmement restreint. Si le bateau venait à se retourner, il y aura des sacrifices. J’appelle Marine et lui demande de me rejoindre. Elle est restée figée à bâbord, les mains crispées à la barrière. Je la vois si près de l’eau, une vague peut l’emporter à tout moment. Elle est incapable de lâcher prise et de remonter la pente vers moi. Elle ne fait qu’hurler et vociférer des « Oh my god ! » à la vue des vagues monumentales qui s’écrasent contre la coque. Découragé d’essayer de la faire venir, je m’assieds et observe le chaos ambiant. Seul le capitaine qui sifflote gaiement derrière sa barre et son équipage s’amusent de la situation. Il semblerait que c’est la première fois que les conditions sont aussi mauvaises lors d’une sortie touristique. Nous sommes maintenant loin des côtes, loin de la civilisation, livrés à nous-mêmes face à la colère de la Manche.

 

Les gens autour de moi blêmissent. A mon tour, les nausées me prennent. A chaque tangage, elles se font un peu plus fortes. Je résiste aux assauts stomacaux pendant une durée qui me paraît interminable. Le Morgenster a fait demi-tour mais le retour est trop long. Finalement, je mets fin au supplice en me penchant par-dessus bord et relâche une belle galette composée de pain perdu et de crêpe hongroise prémâchés. Une bourrasque à ce moment précis emmène le tout vers la main d’un marin adossé à la barrière, qui ne s’aperçoit de rien. La pluie a aussitôt fait de la laver, ouf ! mon crime restera impunis. D’autres touristes sont pris dans l’effet domino vomitif, mais ils n’ont pas le tact de faire ça aussi « proprement ». La gerbe qui macule le pont est heureusement rapidement évacuée à grands coups de seaux d’eau de mer.

 

Après deux longues heures de bataille, nous revenons sur le plancher des vaches. Marcher normalement relève de l’exploit tant l’expérience nous a secoués. Le voyage nous a paru complètement irréel, mais les nausées, elles, sont bien réelles et continuent de me tirailler. Les visages sont blanchâtres mais respirent toutefois la joie d’être de retour sur terre et vivants.

 

La météo s’empirant au fil des heures, nous décidons de mettre un terme à notre trip nordique et maritime excentrique et de repartir vers Paris.

 

A la prochaine la Manche, tu as gagné une partie mais pas la guerre ! Je reviendrais plus armé que jamais… ou pas !

 

Quelques photos viendront bientôt illustrer ce récit mais malheureusement elles se sont arrêtées au moment où notre bateau a quitté le port. Il était impossible d’en prendre une tellement on a été secoué !

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