/// Carte de Doi Inthanon National Park ///
Le réveil est rude entre le retour des grillons et les mobylettes des agriculteurs matinaux. Nous avons repéré sur une esquisse de carte un sentier qui partait du camp et qui se rendait au sommet de Doi Inthanon. Mais les locaux qui ne connaissent apparemment rien des randos soit ignorent son existence soit nous assènent des durées de marche insurmontables, ce qui nous découragent même d'essayer.
Nous optons donc pour se rendre au sommet en voiture, un peu dépités quand même. Sur le chemin, le premier arrêt est dans des jardins (payant) accrochés sur une falaise au bord du vide, où se font face deux temples à l'architecture insolite. Le jardin est fleuri et très bien entretenu par la main d'oeuvre locale, reconnaissable à leur tissu bleu et rouge vif. Le style des temples est futuriste et épuré, ce qui tranche avec les facades traditionnelles chargées d'ornements. Leur couleur violette et leur mosaïques cabalistiques renforçent l'idée que ces monuments proviennent d'une autre planète et ont atterri en ces jarfins célestes pour dominer le monde. Nous les visitons avec ébahissement et soif d'apprendre, d'autant plus que les coupoles intérieures sont ornées des textes fondateurs du boudhisme, l'éveil du prince Siddhārtha Gautama au VIe siècle av JC.
Le second arrêt est à seulement quelques centaines de mètres de ce lieu mystique, où d'un coté de la route il y a la (seule) vue dégagée sur les sommets alentours, et de l'autre le départ d'une petite rando en forêt.
Là encore, on nous impose de payer, cette fois-ci pour un guide histoire de faire tourner le business des tribus locales, le message est parfaitement assumé. On est tout de même à peu près sûr que le mec est originaire d'ici et non de Bangkok, avec son accoutrement simple, son teint pas trop halé, son poil unique au menton et sa démarche posée. Nous le suivons donc dans une forêt humide et fraiche, aux arbres moussus et aux grandes fougères qui nous rappellent immédiatement la Nouvelle Zélande. Ca grimpe, ça grimpe, et on ne tarde pas à sortir du bois pour atteindre des flancs de falaise à la végétation rase et clairsemée. Une brume épaisse nous empêche de voir une once du panorama. Frustrant vu le chemin parcouru mais le mystère qui entoure Doi Inthanon n'en est que plus intense.
Nous finissons notre pélerinage par un autre bout de forêt tachetée de belles éclaircies.
Après avoir soupé près du visitor center, on fait cap vers le vrai point culminant de la montagne. Il s'agit en fait d'un simple panneau indiquant l'altitude, entouré d'une végétation si épaisse qu'elle couvre une fois de plus le panorama. Quel interêt d'avoir une haute montagne s'il n'y a pas de vue ? Il faut croire que les thailandais se contentent d'un panneau qu'on atteint non pas au prix d'efforts surhumais mais avec un pick up et 60l de diesel. C'est toujours ça de gagné...
Une micro-balade à proximité du sommet nous amène à d'étranges objets de prières : un mini-temple équipé d'un réacteur, des habits disproportionnés pendus aux arbres. On se demande à quelles divinités difformes ce culte est voué...
Lors de la redescente vers le camping, on fait un dernier arrêt au "Royal Project Garden", un site d'agriculture et d'horticulture expérimental qui emploit nombre d'autochtones. On déambule dans de beaux jardins fleuris, puis entre des résidences sympathiques mais entièrement vides, très certainement dédiés aux touristes absents et non aux travailleurs présents. On traverse ensuite des parcelles où sont plantées avec beaucoup d'esthétique de belles et grandes fougères. Enfin, on atteint une double cascade qui est le clou du spectacle artificiel du Royal Garden.
Ce qui n'est pas indiqué sur les cartes officielles, c'est qu'un sentier commence depuis le bas de la cascade vers une destination inconnue. En arpentant avec curiosité ses 600 premiers mètres qui montent sec, j'ai bientôt la quasi-certitude qu'il s'agit de la mystérieuse randonnée qui monte vers le sommet de Doi Inthanon, qu'on avait décelé ce matin sur une carte défraîchie et dont toutes les personnes avaient feint l'ignorance...
Il est trop tard pour se lancer dans une telle aventure, de toutes façons on est trop épuisé par la journée et dépité par cette énorme arnaque. On se rabat plutôt sur un marché à proximité du camping, où on achète avidemment un tas de souvenirs tribaux ainsi qu'un vin local qui est en réalité une liqueur de framboises ultra-sucrée. Pour couronner le tout, la mousson nous cueille peu de temps après et nous envoie fissa sous la tente. La pluie, aussi violente soit-elle, a au moins l'avantage de faire taire les grillons-mutants !